Le business des proxy

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Des moules, des frites et des proxy

Je sais que tout le monde s’en fiche éperdument, mais j’ai passé une bonne partie de mon existence dans le nord de la France, au pays des moules et des frites. A ce sujet, j’ai souvenir de la rue principale de mon patelin, où l’on pouvait dénombrer pas moins de 8 friteries. En dehors de ceci, il était possible de trouver des frites dans l’une de ces nombreuses caravanes à petite cheminée en périphérie de la ville. On y servait des cornets avec supplément mayonnaise, camembert, maroilles et même pâté pour la modique somme de un franc.

Vous pouviez également opter pour un américain (les Belges appellent cela une mitraillette): vous prenez une demie baguette que vous coupez en deux, insérer-y une fricadelle (si vous savez ce que c’est), bourrez-le tout de bonnes frites non surgelées et mettez par dessus une bonne cuillère à soupe de mayonnaise. Fermez le sandwich et agrémentez votre déjeuner d’une bonne bière belge ou chti, de quoi donner des cauchemars à mes ennemis de chez mangerbouger point fr.

Malheureusement pour moi et sans doute heureusement pour mon taux de cholestérol, les circonstances de la vie ont fait que j’ai du m’éloigner de ce qu’il faut bien appeler un paradis culinaire. Me voici désormais dans une région où en une dizaine d’années, je n’ai jamais pu retrouvé ces sympathiques baraques à frites, les autochtones du coin ayant de nettes préférences pour les grenouilles. Moi qui déteste la cuisine chirurgicale, celle qui vous oblige à utiliser une pince à épiler pour vous sustenter, je n’ai jamais retrouvé (ou presque :) ce qui a bercé toute mon enfance: de bonne frites bien grasses à des années lumière de toute la propagande actuelle vantant les bienfaits du potage salsepareille-mandragore.

Sur le WEB, il existe des business qui subissent le même sort que mes amies les Frites de chez Gégène: alors qu’elles sont appréciées et reconnues dans le quartier de l’avenue de France à Maubeuge, elles sont quasiment inconnues, ici en région Lyonnaise. C’est le cas du business du proxy: alors qu’il s’agit d’un business bien développé outre atlantique, il n’existe pratiquement rien au doux pays de Frédéric Dard.

Arsinoe Lebrac, j’ai deux mots à vous dire via ce proxy

Pour les ceuses et les ceux qui ignorent ce qu’est un proxy, je vous exprime en des mots très simples son utilité. Vous détestez Arsinoe Lebrac, le maire de votre village, Gromette-en-Gleu et vous mourrez d’envie de lui dire deux mots, à ce paltoquet malfaisant qui a refusé de subventionner votre association, l’amicale des boulistes de Gromette.

Mr Lebrac, conscient que maintenant sans l’Internet, tout élu n’est qu’un vieux ringard qui ne sait pas encore que le telex n’existe plus, est doté d’un magnifique blog WordPress qui lui sert à communiquer avec ses très chers administrés. Vous décidez d’aller lui dire deux mots sur son blog, mais vous savez que Mr Lebrac est suffisamment susceptible pour demander une enquête et remonter jusqu’à vous par l’intermédiaire de votre adresse IP.

Vous savez pertinemment que dans notre beau pays, il est très mal vu d’insulter un élu et que vous risquez de voir déchainer contre vous tous les hérauts de la bienséance, de la vertu, de l’altruisme, de la générosité, de la solidarité, de l’abnégation, de l’affection, de l’allocentrisme, de la bénignité, du bienfait, et de la bienveillance. C’est d’autant plus grave que l’arrière petit cousin de Mr Lebrac a récemment épousé une demoiselle issue de la diversité. Vous risquez d’être condamné pour racisme et d’avoir affaire aux forces de la bonté, de la charité, de la clémence, de la générosité, de la gentillesse, de la longanimité, de la magnanimité, de la mansuétude, de l’oubli et de la philanthropie.

Vous décidez alors de camoufler votre adresse IP. Ceci se fait très simplement au moyen d’un proxy. Vous vous connectez sur l’un de ces sites, par exemple en Chine, vous allez sur le blog de Lebrac et là vous pouvez lui pourrir son existence en toute impunité. Si Lebrac est trop échaudé suite à vos velléités, il demandera enquête. Trois mois après il obtiendra l’adresse IP de l’utilisateur qui a dit du mal de sa maman, l’imposante Roxane Lebrac. Mais les recherches aboutiront en Chine, et là, il n’y aura pas grand chose à faire.

Donc pour résumer, un proxy joue à votre place une requête Web. C’est donc son adresse qui apparait et la vôtre est complètement dissimulée, ce qui est particulièrement pratique lorsque l’on a des querelles de clochers à résoudre mais pas seulement.

– Je suis un élève médiocre de Lyon 2 qui a beaucoup de temps à perdre mais qui ne peut pas aller sur Facebook pendant les heures de TP parce que l’admin réseau bloque le site-qui-fait-perdre-son-temps-à-tout-le-monde: j’utilise un proxy pour contourner le filtrage.

– Je suis un Chinois qui veut lire le Figaro mais qui ne peut pas parce que le gouvernement Chinois interdit la presse subversive: j’utilise un proxy.

– Je suis un salarié qui s’est découvert une passion pour les grosses noires, chanteuses de Gospel, mais qui ne peut pas accéder au site Lovebigblack durant les heures de travail midi parce que le firewall de la boite l’interdit: j’utilise un proxy.

En clair, un proxy est utilisé pour contourner un mécanisme de filtrage ou tout simplement pour dissimuler sa propre adresse IP.

Comment installer un proxy ?

Si à l’instar des frites lyonnaises, ce business est quasiment anecdotique en France, il est pourtant bien établi ailleurs et les gens qui en possèdent arrivent à en tirer des sommes d’argent non négligeables. J’ouvre ici une petite parenthèse avant d’aller plus loin dans mes explications. Il existe deux types de proxy: ceux qui sont installés dans le but d’être utilisés par le public et ceux qui le sont devenus accidentellement, suite à une erreur de manipulation et que l’on est normalement pas censé utiliser; on les appelle les proxy ouverts. Je m’intéresse à la première catégorie, celle qui peut vous rapporter de l’argent et non pas des ennuis pour utilisation frauduleuse de ressources informatiques.

La première chose qu’il faut savoir, c’est qu’un proxy demande des ressources, en bande passante, mais aussi en CPU. Inutile donc d’installer ce type de programme sur votre vieux portable derrière votre ligne ADSL. Préférez-lui un hébergement de qualité.

Vous devez également vous assurer que votre hébergeur accepte ce genre d’utilisation, car comme je vous l’ai dit, ce type de programme est fort gourmand mais peut également s’avérer contraire aux conditions générales d’utilisation de votre hébergeur. Le proxy est un service assez particulier et bon nombre d’opérateurs grand public le refusent tout bonnement. Le mieux est de passer par un hébergeur spécialisé dans le proxy.

Après, il vous faut le logiciel adapté. Le leader incontesté dans ce domaine est Glype qui fonctionne sur une base PHP+Curl. Il existe quelques alternatives comme par exemple PHProxy mais qui n’est plus maintenu depuis quelques années.

Une fois votre logiciel installé, vous devez le faire connaitre et assurer sa promotion. Faire du SEO sur ce type de service est très difficile, et bon nombre de propriétaires lui préfèrent d’autres moyens:

– Acheter une publicité sur Proxy.org, le site phare des utilisateurs de proxy, avec la garantie d’avoir des milliers de visiteurs par jour.

– S’inscrire sur l’une de ces innombrables toplists de proxy. Une toplist est une sorte d’annuaire fonctionnant par classement. A chaque sortie (un clic), le site sélectionné grimpe dans le classement.

– Acheter un blast via email. Certaines mailling-list spécialisées dans le proxy comporte plus de 200000 membres !

– Acheter une annonce sur un groupe Yahoo.

Gagner de l’argent avec un proxy, c’est bien

J’en arrive maintenant à la partie la plus captivante de ce business: sa monétisation. Mais avant tout, il y a quelques particularités qu’il est nécessaire d’expliquer:

– Le trafic est saisonnier, et a tendance à beaucoup diminuer durant les vacances scolaires, car une bonne partie des utilisateurs de proxy sont des lycéens et des étudiants.

– Les proxy attirent les visiteurs à peu de valeur ajoutée, notamment en provenance de Chine ou d’Iran. Bon nombre de propriétaires de proxy n’hésitent pas à filtrer ce type de visiteurs, générateurs de peu de revenus, y compris en matière de PPC.

– Le proxy est un business reconductible, c’est à dire qu’il peut être reproduit un nombre illimité de fois en suivant toujours le même modèle. Certains ont d’ailleurs fait de véritables fortunes en appliquant de façon industrielle les même schémas d’implémentation et de promotion.

– La durée de vie et surtout la notoriété d’un proxy est généralement assez éphémère: bon nombre d’administrateurs réseau, notamment ceux travaillant dans les écoles et les universités, font la chasse aux proxy en bannissant rapidement leurs adresses IP.

Comme je l’ai expliqué, les utilisateurs de proxy sont généralement des jeunes personnes qu’il n’est pas toujours commode de rentabiliser. Les affiliations classiques ne fonctionnent pas très bien, hormis tout ce qui touche aux rencontres via des CPA par exemple. La meilleure façon de monétiser un proxy est de faire appel au classique PPC et l’inévitable Adsense de Google. Jusqu’à peu, il était également possible d’utiliser Adbrite sur un proxy, mais c’est désormais terminé.

Google autorise les annonces uniquement sur les pages d’accueil des proxy. Il n’est pas possible d’utiliser Adsense sur les autres pages, celles qui sont proxifiées. D’une manière générale, peu d’annonceurs autorisent que leur annonces soient déposées sur du contenu proxifié; il faut alors se tourner vers des petits annonceurs peu rigides à ce genre de trafic.

Ce business a connu des heures de gloire, il y a quelques années. Aujourd’hui, il est plutôt sur une phase descendante, en partie à cause du départ de certains des annonceurs qui étaient clairement les bailleurs de fond des propriétaires de proxy. Mais il y a toujours des places à prendre et moyen de gagner de l’argent pour ceux qui veulent s’y essayer.

A l’instar de certaines autres activités économiques, ce sont encore la promotion et la publicité qui tirent leur épingle du jeu: toplist, annonces et blasts se vendent décemment.

Les proxy ont encore de beaux jours devant eux, surtout avec une réglementation de plus en plus sévère à l’encontre de la toile. Et puis, n’avons-nous tous pas notre Arsinoe Lebrac à côté de chez nous ?

2 commentaires sur “Le business des proxy

  1. Intéressant, je connaissais pas ce business.
    Vous dîtes que les proxies deviennent très rapidement obsolètes ?
    Ca veut dire qu’il faut en monter plein régulièrement ?
    Et sinon, ça tourne à combien les gains ?

  2. @monsieur: le problème des proxys, c’est qu’ils se font rapidement blacklistés par les admins. Les gains, c’est du PPC, dont cela va dépendre du mot clé cliqué et du visiteur.

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