Bitcoin, Bernanke et la France.

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Le Bitcoin, on en entend de plus en plus parler, à la radio, à la télé, au bureau, etc. On peut quand même légitiment se dire comme dans mon entourage, par exemple, qu’il s’agit encore d’une de ces geekeries qui fleurissent sur Internet et qui va bien vite faire « pchiiit » à la suite de n’importe quel problème majeur (DDOS chez les Exchangers, régulation, interdiction, etc.) Mais lorsqu’un des hommes les plus puissants du monde en parle ouvertement,  alors nous sommes en droit de nous poser quelques questions; ne sommes-nous pas en train de vivre quelque chose de fort, d’original, et même de révolutionnaire, tout de même ?

Ce que dit Ben Bernanke sur le Bitcoin

Il faut quand même comprendre une chose à propos des gens comme Bernanke et plus proche de nous, Mario Draghi: lorsqu’ils disent quelque chose, on les écoute, on tend l’oreille, on est obligé de boire leur discours et surtout leur propos peuvent généralement avoir des conséquences très graves ou très heureuses, cela dépend du sens, sur la finance mondiale, et donc par corrélation sur nos vies. Quand par exemple, au printemps dernier, Bernanke annonce qu’il va réduire les injections massives de liquidités dans l’économie Américaine, ce que l’on appelle le Quantitative Easing, voici comment réagit la bourse.

cac40Donc, ce qu’il faut comprendre, c’est que Bernie lorsqu’il parle, ce n’est pas du flan, c’est censé être du sérieux et l’on peut lui faire confiance. Voici une transcription de ce qu’il a récemment déclaré sur les monnaies virtuelles.

Messieurs les sénateurs:

Je tiens à vous remercier pour vos récentes demandes de renseignements concernant les monnaies virtuelles. Comme vous avez pu le constater, les autorités américaines s’intéressent de plus en plus aux monnaies virtuelles depuis plusieurs mois.

Historiquement, les monnaies virtuelles ont été considérées comme une forme de « monnaie électronique » ou une technologie de système de paiement qui a beaucoup évolué au cours de ces 20 dernières années. Au fil du temps, ces types d’innovation ont retenu l’attention du Congrès et des organismes de régulations Américaines. Par exemple, en 1995, la chambre des représentants américains a longuement débattu sur « l’avenir des monnaies ». Durant ces débats, des discussions se sont tenues sur les premières monnaies virtuelles ainsi que sur d’autres innovations similaires.  A ce moment, le témoignage du vice-président Alan Blinder a été particulièrement décisif: même si ces innovations présentent un véritable risque envers la loi et la réglementation, sur le long terme, elles sont certainement promises à un bel avenir, surtout si elles sont capables de développer un système de paiement sûr, rapide et plus efficace.

Bien que la Réserve Fédérale n’est généralement qu’un observateur dans le développement des monnaies virtuelles ainsi que dans les innovations des autres systèmes de paiement, elle n’a pas nécessairement l’autorité pour superviser ou réguler directement ces innovations ou les entités qui les amènent sur le marché. En général, la Réserve Fédérale a l’autorité pour réguler une devise virtuelle si celle-ci provient d’une organisation bancaire que nous supervisons. Compte tenu de l’autorité qu’exerce la Réserve Fédérale et de la manière dont se sont développées les monnaies virtuelles,  celle-ci s’est principalement focalisé sur son rôle de supervision des organisations bancaires, de la vente et de la distribution de leurs produits ainsi que les régulations en vigueur tels que la loi sur le secret bancaire (BSA) et les exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML).

En mars 2013, le réseau de lutte contre la criminalité financières a publié des directives expliquant qu’un administrateur ou un agent de change de monnaies virtuelles est considéré comme un émetteur financier et se trouve de facto assujetti aux exigences de la loi sur le secret bancaire. Les attentes et les orientations de la Réserve Fédérale en matière de conformité pour les transactions bancaires utilisant les monnaies virtuelles ont été incorporées dans le manuel du Conseil d’Examination des Institutions Financières Fédérales (FFIEC) au chapitre relatif aux paiements en espèces électroniques. L’objectif global des procédures d’orientation et d’examen écrites dans ce chapitre est d’évaluer l’adéquation des systèmes bancaires afin de gérer les risques liés aux devises électroniques et la capacité de la direction à mettre en œuvre un suivi efficace ainsi que des rapports. Le chapitre liste également les facteurs de risque applicables de même que les mesures d’atténuation des risques que les banques doivent prendre en compte. L’équipe de surveillance de la  Réserve Fédérale a des initiatives en cours avec les agences membres du FFIEC afin d’identifier les autres domaines demandant une attention toute particulière par les organisations bancaires que nous supervisons.

En mai 2013, le département du Trésor a accusé la société Liberty Reserve SA de blanchiment d’argent en vertu de l’article 311 du Patriot Act. Selon leurs dires, la société en ligne Liberty Reserve spécialisée dans le transfert de monnaie virtuelle a été créée en vue de faciliter le blanchiment d’argent sur Internet. A ce jour, cette action marque la première utilisation de l’article 311 contre un fournisseur de monnaie virtuelle.

Cet article exige que le département du Trésor consulte le Conseil de la Réserve fédérale lorsque des mesures particulières sont mises en place. Par conséquent, le personnel du Conseil de la Réserve Fédérale a participé à la coordination et à la consultation des efforts menant à la poursuite du prestataire de monnaie virtuelle, Liberty Reserve.

Comme il a été mentionné ci-dessus, la Réserve Fédérale projette de travailler avec les agences membres de la FFIEC, sur le paiement en espèces électroniques et sur les problématiques adjacentes, telles que les monnaies virtuelles. La Réserve Fédérale va continuer de surveiller leurs développements ans le cadre de son intérêt pour la sécurité et l’efficacité des systèmes de paiement. Nous sommes également prêts à coopérer avec d’autres organismes, le cas échéant.

bernanke

Et La France dans tout cela ?

Notre glorieuse nation a elle aussi commencé à s’intéresser au Bitcoin. Mais pour l’heure la seule véritable communication de l’administration envers le Bitcoin que j’ai trouvée concerne la façon dont elle doit être taxée ! (Edit: au moment où j’écris cet article, la Banque de France y a mis son grain de sel) Mais connaissant la fâcheuse tendance qu’à notre inénarrable administration à mettre ses doigts boudinés dans les choses qui marchent et qui échappent à sa rage taxatoire et  son ultra-réglementation, voici ce qui risque d’arriver:

L’industrie bancaire commence à s’inquiéter du phénomène des monnaies virtuelles qui de par leur schéma de fonctionnement de grès à grès échappent à toute forme de contrôle de certaines transactions financières. Les acteurs bancaires expriment leur mécontentement face à une concurrence déloyale et qui en plus n’est même pas soumise aux terribles contraintes et réglementations propres aux banques tels que les accords de Bâle III. Suite à certaines questions posées au gouvernement par des députés UMPS proches des milieux bancaires, une commission composée d’experts tous issus de la haute fonction publique et du milieu bancaire est mise en place afin d’étudier et surtout de mieux comprendre ce phénomène.

18 mois plus tard, un rapport détaillé composé de 3 pages est déposé à l’assemblée. Les faits relatés y sont tout simplement accablants: le Bitcoin est majoritairement utilisé pour des opérations de blanchiment d’argent sale, pour acheter de la drogue ou des armes, pour parier et jouer au poker et au casino sur des sites non déclarés à l’ARJEL. Pire, une enquête annexe aurait mis en évidence que le Bitcoin serait massivement utilisé dans les milieux pédophiles et que l’activité de minage qui consiste à créer de nouveaux Bitcoins viendrait pour bonne partie de botnets contrôlés par la mafia russe. A noter aussi que la majorité des sites permettant de convertir le Bitcoin en Euro ne serait pas francisée et qu’en conséquence, cela ne ferait qu’augmenter les inégalités, le malheureux quidam moyen n’ayant aucune possibilité de changer sa monnaie.

Devant un tel constat, l’assemblée nationale s’émeut et décide de légiférer de toute urgence. Parallèlement, le gouvernement déclare que l’utilisation du Bitcoin doit être réglementée et qu’il est absolument nécessaire de protéger nos usagers concitoyens face à ces nouvelles menaces nauséabondes qui sont à deux doigts de nous rappeler les heures les plus sombres de notre histoire.

Dans un premier temps, une Haute Autorité du Bitcoin est créée. A sa tête, Monsieur Van Pieperzen, enarque brillant,  ayant fait toute sa carrière au ministère des anciens combattants. 50 collaborateurs, voitures, smartphones et 120 millions de crédit ont été alloués à l’année. Le budget a été trouvé grâce à une nouvelle taxe prélevée sur l’achat des biscuits à la noix de coco contenant de l’huile de palme, mais qui sera indolore pour le contribuable.  A noter que certains députés font remarquer que le Bitcoin n’est pas la seule monnaie virtuelle en vogue sur Internet , qu’il en existe d’autres comme le Litecoin par exemple et que le nom de Haute Autorité du Bitcoin est sans doute malvenue. Après bien des débats, Monsieur Van Pieperzen tranche en disant qu’il va créer des commissions spécialisées par crypto-monnaie au sein même de la Haute Autorité et que face à la surcharge de travail que cela représentera, il a d’ores et déjà prévu de nouvelles embauches dès l’année prochaine.

habLa Haute Autorité du Bitcoin étant parfaitement opérationnelle, le gouvernement s’attèle maintenant à réglementer par voie législative l’utilisation du Bitcoin. Par décret, il proclame que le paiement en ligne par crypto-monnaie est désormais réglementé, que les moyens mis en place actuellement et qui reposent pour beaucoup sur des API développées via les logiciels libres, sont proscrits. Toute forme de paiement par Bitcoin est désormais centralisée par une API gouvernementale développée par la société BitcoinMouv. Les cyber-marchands contrevenants à l’utilisation de BitcoinMouv risquent de lourdes amendes. Malheureusement, cette société subit régulièrement des DDOS provoqués par des hackers activistes très mécontents de « la soviétisation de l’écosystème du Bitcoin », ce qui provoque des pannes fréquentes, de grosses lenteurs et des incohérences de facturation chez les cyber-marchands Français poussant un certain d’entre eux à déménager leurs affaires vers la Belgique et le Canada. Plus grave, les plus petits composés essentiellement d’auto-entrepreneurs décident de mettre la clé sous la porte et basculent dans l’économie souterraine du Bitcoin. La société BitcoinMouv est également chargée de collecter les inévitables taxes afférentes à ce type de transaction: CSG, taxe financière et aussi un prélèvement supplémentaire visant à aider les distributeurs de biscuits à la noix de coco contenant de l’huile de palme, ce secteur étant en grande difficulté suite à la crise financière occasionnée par les voyous de la finance ultra-libérale mondialisée. Néanmoins ce petit prélèvement supplémentaire devrait être indolore pour le contribuable. Un lobby Belge, représentant des acheteurs utilisant essentiellement les sites de e-commerce Français, décide d’attaquer l’État en justice: ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer la CSG lors de l’achat de e-book Français.

Le gouvernement fait voter une loi qui interdit l’utilisation des échangeurs de monnaie qui sont assimilés à des bureaux de change et qui sont donc soumis à la réglementation et à la lutte contre le blanchiment d’argent. Il crée alors la Banque Publique du Bitcoin (BPB) qui permettra à quiconque de changer ses devises en toute sécurité. Malheureusement, la BPB s’appuie sur la société BitcoinMouv avec toutes les conséquences que l’on connait déjà. Un fond d’investisseurs Suisses crée alors le Fond Helvétique du Bitcoin spécialisé sur le marché francophone des transactions Bitcoin: aucun frais, aucune taxe, anonymat total garantie, et protection contre les DDOS. La société se rémunère via la publicité et des produits dérivés et c’est un succès immédiat.

Le gouvernement tente d’interdire l’activité de minage du Bitcoin qui serait en tout point semblable à du faux-monnayage.  Mais la loi est déboutée par le Conseil Constitutionnel qui considère que dans le cadre de l’utilisation du Bitcoin, l’Etat Français ne sera jamais l’unique émetteur de cette monnaie et que par conséquent, le terme de faux-monnayage est tout simplement incongru. Face à cette déconvenue, l’État décide de changer radicalement son fusil d’épaule et choisit donc d’investir massivement dans l’activité de minage. Elle commence par créer un consortium à base de fonds publics qui aura pour mission de créer de vastes fermes de serveurs directement alimentées par de gigantesques éoliennes construites par EDF, car le minage coute généralement fort cher en électricité. Mais le groupe parlementaire écologique très mécontent de l’installation de ces éoliennes choisit de bloquer les décrets votant les budgets alloués à ce pharaonique projet. On apprend aussi que le conseil régional de Poitou Charente fait pression pour que plusieurs de ces fermes soit installées dans sa région durement touchée par la faillite des distributeurs de biscuits à la noix de coco contenant de l’huile de palme. Parallèlement, le gouvernement choisit de subventionner le minage en proposant un crédit d’impot particulièrement intéressant pour tout particulier désirant se lancer dans cette activité. La seule condition est l’installation obligatoire sur le toit d’une mini-éolienne fournie par EDF, car le minage coute généralement fort cher en électricité. La multiplication de ces éoliennes provoque quelques parasitages dans les réceptions hertziennes, y compris dans les communications numériques d’urgence (pompiers, samu, GPS, etc.)  ainsi que la colère du groupe parlementaire écologique. Certains économistes craignent l’apparition d’une bulle du minage en France, semblable à ce qui s’est déjà produit avec le photovoltaïque.

En définitive, le gouvernement se félicite des décisions fortes, courageuses, justes, solidaires qui ont permis une meilleure protection de nos chers concitoyens. L’écosystème du Bitcoin désormais parfaitement encadré par une saine justice sociale et solidaire aura ainsi conduit à de grandes avancées technologiques, écologiques et économiques dont nos chers concitoyens vont tous pouvoir bénéficier.

 

14 commentaires sur “Bitcoin, Bernanke et la France.

  1. En même temps on est fasse à une monnaie que personne ne sait qui l’a créée. Grosso modo y’a personne qui la contrôle (du moins aucun pays). On ne sait pas qui l’achète ni ce qu’elle va devenir. Beaucoup de raison pour se méfier du bitcoin tout de même.
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  2. J’ai tâté à m’acheter des bitcoins l’année dernière… Le prix était d’environ à 200€ et là il est à plus de 1000€… La grosse misère !! Je regrette tellement, j’aurais fait une belle plus value et j’aurais pu m’acheter du matos photo (je suis photographe à paris).
    Je pense sincèrement que cette monnaie virtuelle va perdurer

  3. Aïe, je viens de voir que le cours de la devise électronique vient de passer sous les 400$… C’est une mauvaise nouvelle, cela pourrait bien perdre encore 10-15%, vers les 350$…

  4. Merci pour cet article qui récapitule assez bien la situation du Bitcoin. Mon conseil est de conserver ses Bitcoins le plus possible car personne n’est capable de prédire son avenir, j’ai commencé à acheter des Bitcoins alors que ca valait 60 €, en Décembre 2013 il valait prêt de 1000 € pour redescendre à 300 € aujourd’hui donc mon conseil est de les garder bien au chaud et de vendre lorsqu’il vaudra 10000 €.
    Acheter Bitcoin Articles récents…Le bitcoin dans la peau ? Une réalité !My Profile

  5. Cette monnaie alternative est d’actualité, j’ai eu l’occasion dans entendre parler lors d’une formation Azimut en Belgique…

  6. Il y a beaucoup de raisons de se méfier du bitcoin. Je n’en n’avais jamais entendu parler auparavant.

  7. Le bitcoin est reparti à la hausse – sans doute avec les élections présidentielles et la question de l’euro.
    du coup en repassant la barre des 1000€ ça comment à refaire des vagues positives

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